Vent de fronde
Ils étaient plusieurs, parmi la trentaine de députés UMP frondeurs, à envisager d’aller jusqu’à ne pas voter le budget, comme Yannick Favennec et Marc Bernier. L’ambiance s’est finalement calmée : l’intervention de Matignon, et l’investissement d’un président de groupe, Jean-François Copé (voir entretien page 9), soucieux de faire taire les critiques à son encontre, ont contribué à éteindre l’incendie. Le député de la Somme, Jérôme Bignon, qui s’était illustré par un échange virulent avec Rachida Dati le 27 octobre, lors de sa venue à Amiens, en témoigne. Selon lui, la concertation est “en cours”, sous l’égide de Jean-François Copé et de Roger Karoutchi. Il juge le premier “attentif, utile et efficace”. Par contre, le secrétaire d’État aux Relations avec le Parlement s’est montré discret : “On ne l’a pas vu.”
“Découpler” la grogne contre la réforme de l’examen du budget de la Justice était le principal souci de Jean-François Copé. Jérôme Bignon évoque à ce sujet une “stratégie de desperado” : “Si on ne vote pas le budget, on n’est plus dans la majorité”, dit-il. Même son de cloche du côté du député du Finistère, Jacques Le Guen, qui était en première ligne : “Lors de la dernière réunion de groupe, nous avons fait part de notre surprise sur la manière, qui était arbitraire. Nous souhaitions exprimer notre désaccord sur un projet qui pénalise des petites communes qui connaissent déjà de nombreux problèmes. Mais ne pas voter le budget, ce n’est pas pareil ; il en va de notre responsabilité de député de la majorité.” Jacques Le Guen s’était d’ailleurs désolidarisé rapidement de la véhémence de Yannick Favennec, dont le mot “la Datillotine” l’avait choqué. “Je n’accepte pas les attaques contre les personnes”, précise-t-il.
Contre-feu
Le contre-feu d’un manifeste, signé par 101 parlementaires et publié par Valeurs actuelles, a eu aussi son effet. Selon Jean-Luc Warsmann, qui en était l’un des initiateurs, ce manifeste n’était pas une contre-offensive, mais simplement l’occasion de réaffirmer “l’orientation générale de cette réforme nécessaire”. Il en profite lui aussi pour donner un satisfecit à Jean-François Copé, qui a été “dans son rôle”. “Quand certains collègues ont eu l’impression de n’être pas assez écoutés ou que leurs territoires n’étaient pas assez pris en compte, Jean-François Copé a veillé à ce qu’il y ait un espace d’expression pour chacun.” Quant à Yves Jégo, porte-parole de l’UMP, il préfère relativiser, évoquant “de six à dix députés” frondeurs : “Au final, on a fait du bruit pour quelque chose d’assez normal et d’une ampleur très limitée. Il était normal, compte tenu de l’ampleur de la réforme, que les élus protestent, note Yves Jégo. D’autant plus qu’il y a une part d’irrationnel. Dans un certain nombre de cas, c’est davantage le prestige d’une ville que la justice de proximité qui est en jeu. Mais on ne peut pas ne pas appliquer à nous-mêmes les objectifs de réforme.”
Compensations
L’investissement de Matignon, du président de groupe et le manifeste des 101 n’ont pas été les seuls moyens d’éteindre l’incendie : les députés UMP frondeurs ont obtenu la promesse de quelques compensations. Jean-François Copé a d’abord évoqué la création de maisons de la justice et du droit et d’une justice foraine, mais il s’avère que ces contreparties pourraient concerner d’autres secteurs que celui de la justice, puisque l’un des députés frondeurs, Jacques Le Guen, nous a fait part de ses attentes concernant “la création d’une école d’ingénieur dans le domaine des biotechnologies”. Et ces compensations n’ont été annoncées que pour les députés UMP dépourvus, ce que conteste le porte-parole de Rachida Dati : “L’idée, c’est de dire qu’on n’abandonne aucun territoire. Si un tribunal ferme, on regarde s’il n’y a pas la possibilité d’aménager autre chose. Et cela ne concerne pas que les députés UMP : nous défions quiconque de voir une coloration politique dans la réforme de la carte judiciaire.”
Le PS a aiguillonné les députés UMP
Très remonté contre la réforme, le PS ne s’est pas privé de souffler sur les braises lorsque les premiers signes de la grogne sont apparus au sein de la majorité. “Quand on a su qu’il commençait à y avoir des remous à l’UMP, on a pensé qu’il y avait la possibilité d’interpeller davantage la ministre”, raconte ainsi Alain Vidalies, l’un des socialistes le plus actif sur ce dossier. Et c’est ainsi que le PS est venu brandir la lettre de mécontentement adressée par Max Roustan, député UMP du Gard, à Nicolas Sarkozy. De là à dire que cette initiative a désinhibé les autres élus de la majorité, il y a un pas qu’Alain Vidalies ne franchit pas : “Ils ont réagi avec un temps de retard, mais c’est surtout parce qu’ils avaient compris que les premières consultations devaient aboutir à une étude préparatoire et que la période de concertation viendrait ensuite.” Durant la semaine agitée qui a suivi, le PS et les “frondeurs” de l’UMP ont protesté chacun de leur côté, ce qui laisse un regret au député des Landes : “Si nous avions mélangé nos démarches, cela aurait pu exercer une dissuasion. Nous avions dit dès le départ que nous n’aurions aucune réserve à rassembler nos forces. Mais c’était aux députés de la majorité de faire la démarche, et ils ne l’ont pas fait, du moins au niveau national. En revanche, au niveau local, il est arrivé de trouver des élus des deux bords dans la même manifestation. Mais cela n’a évidemment pas le même impact...”
Jean-François Copé : “Il est vrai que j’ai mouillé la chemise.”
Vous attendiez-vous à ce que la réforme de la carte judiciaire provoque de telles tensions au sein du groupe UMP ?
Ce qui m’a frappé, c’est de voir qu’il y avait d’un côté une adhésion très forte à l’esprit de cette réforme et de l’autre une demande d’explication et de dialogue concernant des situations locales. Dès lors que je mesurais qu’il y avait un certain nombre de députés inquiets, notamment par rapport aux municipales, tout le problème pour moi était d’organiser la concertation entre le gouvernement et les élus. Au fil du temps, les choses se sont beaucoup apaisées. D’ailleurs, alors qu’on évaluait à une trentaine le nombre de députés UMP susceptibles de voter contre le budget de la Justice, il n’y en a eu que trois au final.
De quelle manière avez-vous procédé ?
Il y a eu, à partir du jeudi précédant le vote du budget, tout un travail de recensement des difficultés. Il fallait trouver des formules permettant d’équilibrer les conséquences de ces suppressions, par la mise en place d’une maison de la justice et du droit ou d’une politique de justice foraine. Et quand ce n’était pas possible, on mettait en place d’autres dispositifs. Par exemple, lorsque la fermeture d’un tribunal conduit à la perte de 30 emplois, il faut voir dans quelle mesure on peut disposer d’une d’enveloppe complémentaire de 30 contrats aidés pour ne pas donner le sentiment d’un abandon de la ville concernée.
La plupart des députés mécontents ont donc obtenu des compensations ?
Il ne faut pas se méprendre sur le terme. Ce n’était ni une approche politicienne ni une approche de marchandage. La logique était celle d’un élu local soucieux qu’il n’y ait pas un message de délaissement de sa ville par les pouvoirs publics. C’est d’ailleurs pour cela que je me suis emporté contre certains propos venus de la gauche qui ont créé une mauvaise polémique. Cette réforme n’est ni de droite ni de gauche, c’est une réforme de modernisation de l’État.
Est-ce que vous considérez, comme on l’entend dire au sein du groupe UMP, que Rachida Dati vous doit une fière chandelle ?
Ce n’est pas à moi de le dire, mais il est vrai que j’ai mouillé la chemise, parce que c’était mon devoir et parce que je crois à cette réforme très courageuse menée par Rachida Dati. À titre personnel, c’est vrai aussi que cela donne du baume au cœur. J’ai été blessé par certaines attaques, d’autant que j’ai le sentiment de faire beaucoup pour que le groupe se modernise. Je ne l’ai pas fait pour cela, mais le règlement de ce dossier a certainement contribué à atténuer certaines critiques.
Les députés frondeurs |
Interrogé sur l’ampleur de la fronde parmi les députés de la majorité, le président du groupe UMP, Jean-François Copé, avait évoqué “une trentaine” de parlementaires. Parmi eux, Yannick Favennec (Mayenne), auteur d’une tribune publiée dans le Journal du dimanche, le 11 novembre, dans laquelle il accusait la garde des Sceaux, Rachida Dati, de “guillotiner la justice de proximité”. “Elle n’est pas élue : on voit la différence entre les ministres élus et ceux qui ne le sont pas”, avait tonné le député dans la salle des Quatre Colonnes. Ce qui avait provoqué la venue en catastrophe de Jean-François Copé pour faire contrepoids devant les journalistes. Yannick Favennec avait été rejoint par Jean-Louis Léonard (Charente- Maritime), Jean-Marie Sermier (Jura), Alain Marc (Aveyron) et Louis Guédon (Vendée) – qui a par la suite signé le manifeste pour la réforme –, Michel Piron (Maine-et-Loire) et Jacques Le Guen dans sa dénonciation de la “pseudo-concertation” sur ce dossier. Plusieurs jours auparavant, Max Roustan (Gard) avait adressé une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy pour protester contre les conditions de la réforme. |
Jean-Pierre Grand, député de l'Hérault et proche de Dominique de Villepin, a été suspendu cet après-midi de l'UMP.
Face à cette décision tout à fait inacceptable à nos yeux, nous lui réaffirmons ici tout notre soutien et demandons au Bureau politique de l'UMP de garantir le respect de la diversité des expressions au sein du parti majoritaire.
Fred
http://2villepin.free.fr
Rédigé par : Fred | 05 décembre 2007 à 22:41