Relance ou pas relance ? Abandon des critères de Maastricht ou respect des engagements européens ? Sur fond de menace de récession, les députés de la majorité, réunis à Antibes pour leurs journées parlementaires, s'inquiètent de la stratégie de l'Elysée. Jeudi matin sur Canal+, Henri Guaino, le conseiller spécial du président de la République, affirme que, face à la crise, "les critères de Maastricht ne sont pas la priorité des priorités". Il n'en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres. Dans la soirée, le ministre du budget, Eric Woerth, fait une ferme mise au point : "La France ne peut pas faire fi des critères de Maastricht. C'est une règle commune. Le laisser-faire, le laisser-aller dans le domaine des déficits ne peuvent exister", assène-t-il, en faisant valoir que "les dépenses seront tenues dans le budget 2009". Trop tard. Ce qui devait être une belle manifestation d'unité, sous le chaud soleil d'Antibes, s'est transformé en nouvelle séance de cacophonie.
Dans les couloirs, les députés - en l'absence des sénateurs, retenus par le psychodrame qui se joue au Palais du Luxembourg pour la répartition des postes de "dignitaires" - se déchaînent. Libéraux et villepinistes sont aux avant-postes. "Ce type (Henri Guaino) est un déjanté", s'emporte Jacques Le Guen, député du Finistère. "Ce n'est l'avis que d'un conseiller, mais cela risque de développer chez les Français un certain alarmisme. Ce n'est pas bon", ajoute Claude Goasguen, député de Paris. "La confiance dans les institutions financières et dans l'Etat exige de respecter la discipline à laquelle on a adhéré, poursuit le député de la Drôme, Hervé Mariton. Evitons de changer de stratégie sous la contrainte de l'urgence. Ce n'est pas de trop de rigueur dont on souffre aujourd'hui, c'est le contraire." Le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, prend, lui aussi, ses distances. "Dans une période de crise, l'important, c'est de s'appuyer sur ses alliés. Nous avons besoin des Européens", martèle- t- il.
Jean-François Copé est furieux. "On m'avait dit : surtout, pas de petites phrases, attention à ne pas polluer le discours du président. Et, à 7 heures, qu'est-ce que j'entends ? Guaino", s'exclame-t-il à qui veut l'entendre. Le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale avait été reçu à l'Elysée en début de semaine. Nicolas Sarkozy, échaudé par l'épisode des précédentes journées parlementaires, un an plus tôt à Strasbourg, lui avait donné pour consigne de faire du rassemblement d'Antibes une démonstration d'unité...
"DANS TOUS LES SENS"
Alors, simple provocation, la sortie de M. Guaino ? Peut-être, mais cela a suffi pour que certains députés de la majorité reprennent leur liberté de parole. "Je suis pour l'unité, mais cela ne doit pas nous empêcher de nous exprimer, indique Lionnel Luca, député des Alpes-Maritimes. Dans la tempête, peut-être faudra-t-il s'en affranchir, des critères de Maastricht, mais ce n'est pas le moment."
Parmi les rares à approuver la suggestion du conseiller de l'Elysée, Jérôme Chartier estime que "Maastricht ne doit pas être un blocage. On ne peut pas dire aux Français qu'on ne les protégera qu'à hauteur de ce que permettent les critères de convergence", juge le député du Val-d'Oise, qui nuance cependant, lui aussi, son approbation, en précisant que "cela ne peut être que conjoncturel".
D'autres s'interrogent sur la "cohérence" et la "lisibilité" de l'action gouvernementale, à l'image d'Yves Censi (Aveyron). Pierre Méhaignerie (Ille-et-Vilaine), le président de la commission des affaires sociales, déplore qu'"on continue à payer l'erreur initiale du bouclier fiscal".
Résumé de la journée : "Ça part un peu dans tous les sens", reconnaît Jean-Paul Anciaux (Saône-et-Loire). Le premier ministre, François Fillon, devait essayer, vendredi, d'y remettre un peu d'ordre.
Sophie Landrin et Patrick Roger
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