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PARIS (AFP) — L'UMP est restée prudente mercredi sur le projet de réforme constitutionnelle, bien qu'il n'évoque ni le cumul des mandats, ni la proportionnelle qu'elle redoute, la gauche manifestant sa farouche hostilité au droit nouveau proposé pour le président, parler devant le Parlement.
"C'est la réforme la plus importante depuis l'élection du président au suffrage universel et le quinquennat", s'enthousiasme le ministre Roger Karoutchi (Relations avec le Parlement).
Optimiste, il estime que "l'on peut trouver des voies de passage bien avant les municipales" de mars sur ce texte (dont l'adoption suppose l'assentiment des 3/5èmes du parlement) et table sur une adoption en commission en janvier.
En excluant de légiférer sur le cumul des mandats et le mode de scrutin, deux points très contestés à l'UMP - et non inscrits dans la Constitution actuelle- l'exécutif a réussi a désamorcer l'opposition de sa majorité, au risque, selon certains d'entre eux, de "vider la réforme de son sens".
Pour le porte-parole de l'UMP Yves Jégo, "le président souhaitait une modernisation, mais il y aura d'autres étapes". Thierry Mariani (UMP) et Marc Laffineur (UMP) ont jugé "la réforme importante pour la revalorisation du Parlement". Mais Jacques Le Guen (villepiniste) "n'y croit pas", se souvenant d'épisodes "où le Parlement a été mis devant le fait accompli" sur des textes ou amendements.
Comme d'autres UMP, il partage avec l'opposition l'avis que cette réforme "a minima n'est pas la question prioritaire" pour les Français.
"Une amélioration de la technique parlementaire ne méritait pas cette enflure institutionnelle", analyse Hervé Mariton (UMP, villepiniste).
D'autres restent sceptiques sur le partage de l'ordre du jour entre exécutif et législatif. "Une utopie, ou alors le gouvernement ne pourra plus gouverner", tranche Jean-Pierre Grand.
Le droit du président de s'exprimer devant le Parlement en Congrès ou l'une des deux assemblées ne fait pas l'unanimité dans la majorité. François Goulard (villepiniste) n'y est "pas très favorable" car "il a d'autres occasions de s'exprimer et ne s'en prive pas". Pour Jacques Myard (UMP, souverainiste), "le président peut déjà se faire entendre".
Marc Laffineur préconise "un message devant chaque assemblée", moins solennel que la réunion du Congrès mais pas plus d'une à deux fois par an. Lionnel Luca (UMP) préfère "le Congrès une fois par an".
L'opposition voit là une violation du principe de séparation des pouvoirs.
"Le président s'exprime partout, dirige tout, des chevaux de Camargue aux petites femmes de Paris, il remplace déjà tous les ministres, que nous laissera-t-il ?", soupire le communiste Maxime Gremetz. "La vraie réforme, c'est que la France soit dignement représentée à l'Assemblée grâce à la proportionnelle".
Le texte "n'est pas acceptable en l'état", affirme le numéro un PS François Hollande, puisque justement, "est maintenue la volonté du président de venir à tout moment et en toutes circonstances devant l'Assemblée et le Sénat".
Le patron des députés PS Jean-Marc Ayrault pointe "une accentuation de la tendance présidentialiste du régime". "Ce n'est pas quelques aménagements du travail parlementaire qui vont faire changer les choses", juge-il en dénonçant une "mini-réforme de convenance personnelle".
Au deuxième jour de sa visite officielle en France, le colonel Kadhafi a rencontré mardi des députés lors d'une visite très controversée à l'Assemblée nationale boycottée par la gauche, les centristes et une partie de l'UMP.
Accueilli par la garde républicaine, le dirigeant libyen, vêtu d'une cape noire, a passé une heure et quart à l'Hôtel de Lassay, résidence du président de l'Assemblée nationale contiguë au Palais Bourbon. Le quartier avait été entièrement bouclé par les forces de l'ordre, qui sont allées jusqu'à interdire d'accès quelques députés pourtant munis de leurs cartes. "On laisse un dictateur entrer dans l'Assemblée et on empêche les députés!", s'est insurgée la socialiste Aurélie Filippetti.
Moammar Kadhafi a d'abord eu un entretien d'une demi-heure avec le président UMP de l'Assemblée Bernard Accoyer. Puis il a rencontré dans la salle des fêtes une trentaine de députés et quelques sénateurs. Plus de 80 députés, présidents de groupes, membres du bureau de l'Assemblée et des commissions, membres du groupe d'amitié France-Libye, avaient été invités.
Dans une ambiance de "dialogue apaisé", selon M. Accoyer, les parlementaires ont entendu le colonel Kadhafi exprimer sa volonté de tourner la page dans ses relations avec les pays occidentaux. "Nous sommes dans une nouvelle ère que nous espérons sans guerre froide ni chaude", a assuré le dirigeant libyen.
Moammar Kadhafi a fait part de son "enthousiasme" pour la proposition de Nicolas Sarkozy d'une Union méditerranéenne, et plaidé pour la création d'un "seul Etat démocratique" réunissant Israéliens et Palestiniens.
Le leader libyen n'aura rencontré que des parlementaires UMP. Car la gauche et une partie de la majorité avaient boycotté la cérémonie pour protester contre les violations des droits de l'Homme en Libye. "On ne déroule pas le tapis rouge à un dictateur dans l'enceinte de la démocratie!", s'est insurgé le président du groupe socialiste Jean-Marc Ayrault.
M. Ayrault a profité du débat organisé dans l'après-midi sur le conseil européen de cette semaine pour fustiger la "diplomatie spectacle" de Nicolas Sarkozy, "suite de coups sans fin, sans cohérence", et se payer le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, "comble de la tartuferie".
Les déclarations du colonel Kadhafi sur France-2 selon lesquelles M. Sarkozy ne lui a pas parlé des droits de l'Homme a ajouté au trouble des députés. "Qui dit la vérité?", a demandé M. Ayrault. "Ce n'est pas la couleur du tapis qu'il faut retenir, c'est le fait que nous essayons d'attirer vers nous des pays qui ont quitté le terrorisme", a répliqué M. Kouchner.
"La place de M. Kadhafi n'est pas à l'Assemblée nationale. Il n'est qu'un dictateur, qu'un tortionnaire", a renchéri le Vert Noël Mamère. La politique de M. Sarkozy, "c'est le Fouquet's, le CAC 40 contre les droits de l'Homme."
"Ici, c'est le temple de la démocratie. Cette visite est inopportune", a jugé François Sauvadet, président du groupe Nouveau centre.
Des députés UMP partageaient ce point de vue. Invité, Lionnel Luca (Alpes-Maritimes) a refusé d'être "un alibi". "On peut recevoir des chefs d'Etat en France sans les faire passer par l'Hôtel de Lassay", a estimé François Goulard (Morbihan).
Président du groupe UMP, Jean-François Copé, s'était excusé en raison de la réunion au même moment de son groupe. Il n'en a pas moins exprimé son "soutien total" à l'accueil réservé par Nicolas Sarkozy au colonel Kadhafi.
Gêné aux entournures, Bernard Accoyer a répondu qu'il avait reçu le dirigeant libyen comme "à chaque fois qu'il y a une visite officielle de chef d'Etat". Le président de l'Assemblée a affirmé avoir évoqué la question des droits de l'Homme avec le colonel Kadhafi, sans avoir de "réponse particulière".
Les députés UMP qui assistaient à la rencontre ont justifié leur présence par des raisons pragmatiques. "Traiter le colonel Kadhafi comme un paria n'est pas le meilleur moyen pour faire passer le message des droits de l'Homme", a fait valoir Jacques Le Guen, vice-président du groupe d'amitié France-Libye. "Par définition, on fait la paix avec un ennemi", a rappelé Pierre Lellouche, citant Yitzhak Rabin. AP